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blog non officiel de Nicolas Sarkozy
8 mai 2007

La conquête méthodique du pouvoir

source: le monde

Sa14Il n'est pas arrivé en novice. Il y a songé depuis toujours, et sérieusement depuis au moins… vingt-cinq ans. "On n'arrive pas là par hasard", a-t-il coutume de dire. Il y a donc réfléchi chaque matin sans faiblir. Iznogoud parfait dans les caricatures, mais au fond tellement français dans son approche du pouvoir.


On pourrait démarrer le récit de sa légende politique à presque chaque étape de sa vie. A la blessure originelle d'un garçon délaissé par son père. A sa rencontre avec Jacques Chirac. A sa prise de la mairie de Neuilly. A ses premiers ministères. Tout fait ventre, dans une course pareille. Rien n'est anodin. Quand il y repense lui-même, il souligne seulement : "Ce qui paye, c'est la ténacité. Etre prêt à tenir de longs mois, et même de longues années." De la détermination, Nicolas Sarkozy en avait donc depuis longtemps. Mais il a commencé à mettre en place sa stratégie, en professionnel, lors du premier échec qui l'a vraiment touché, en 1999, lors des élections européennes. Ce jour-là fut sa Berezina. Et le moment, aussi, où il passa un pacte avec lui-même : "Je ne retournerai pas au désert…"

"JE HAIS LA DÉFAITE"

Pour comprendre cette formidable histoire, il faut donc remonter ces huit années en arrière et s'arrêter sur le grand canapé de son bureau de président par intérim du RPR. Nicolas Sarkozy s'y tient, groggy, entouré de ses conseillers, de sa femme Cécilia et de son fils aîné, Pierre. La télévision martèle les résultats des élections européennes, ce 13 juin 1999, et le petit groupe contemple sur l'écran l'étendue du désastre. La liste RPR-DL, conduite par Sarkozy, n'a obtenu que 12,8 % des suffrages. Loin derrière les 21,9 % du PS, mené par François Hollande, et, pis encore, à quelques dizaines de milliers de voix de la liste de Charles Pasqua et Philippe de Villiers. Nicolas Sarkozy est vaincu, et il avoue déjà : "Je hais la défaite." Quatre années d'efforts viennent d'être réduites à néant. Quatre années à tenter de faire oublier sa trahison de Jacques Chirac, son ancien mentor, au profit d'Edouard Balladur, lors de la présidentielle de 1995. Quatre années à subir les "petit salaud" de Bernadette Chirac et à être reçu en paria dans les fédérations du RPR. Quatre années à tâcher de redevenir "l'homme le plus prometteur de la droite française". Ça n'a pas été chose facile. Les chiraquiens ont gardé de la présidentielle le souvenir de son arrogance et de ses menaces. Mais enfin, il s'est plongé à corps perdu dans cette reconquête. Seul, dans sa mairie de Neuilly, il a ingurgité des centaines de notes et repris des cours d'anglais, qu'il ânonne avec un accent "frenchie" à couper au couteau. Profitant de chaque bévue du président, il a pris le RPR, à la faveur de la dissolution de 1997 et d'une alliance de circonstance avec Philippe Séguin. Il a mené campagne tambour battant. Trop confiant, comme toujours… Et il faudrait renoncer à tout cela ce 13juin ?

"ILS ATTRAPERONT LE TORTICOLIS À FORCE DE ME VOIR REBONDIR"

Oui, il faut lâcher prise. Son échec aux européennes a rendu sa position trop fragile et il a un ennemi juré à l'Elysée. Edouard Balladur l'a prévenu dès le début de l'été : "Vous n'avez aucune chance de vous maintenir à la tête du RPR. Les cicatrices de la présidentielle ne sont pas refermées." Entre Chirac et Sarkozy, le bal des hypocrites vient de débuter. Le président ne lui a jamais pardonné sa trahison, et la "déchiraquisation" du RPR depuis 1997 le révulse. Les vacheries répétées du maire de Neuilly à son endroit l'exaspèrent. Sa prétention à vouloir le remplacer, lui qui prépare sa réélection de 2002, le fait sortir de ses gonds. C'est peu dire qu'entre les deux hommes la méfiance est de mise.

Mais qu'il est difficile de tout lâcher lorsqu'on a 44 ans et une ambition longue comme le bras… Tout l'été, Sarkozy remâche sa défaite, repris par une sciatique, déprimé. Sur son passage, les militants RPR continuent de crier "Nicolas! Nicolas!", et il se reprend parfois à espérer : "J'ai connu des échecs, je sais qu'on en sort."

Savoir ses rivaux enchantés de sa faiblesse agit comme un aiguillon. Et le revoilà hâbleur, qui affirme : "Il y en a qui vont attraper le torticolis à force de me voir rebondir sur le trampolino. Je n'ai pas envie de revivre ce que j'ai déjà vécu. J'ai d'autres ambitions." Seulement Chirac est déterminé à lui barrer la route et, comme toujours lorsqu'il a décidé de tuer, il y met tout son talent. Le 14 septembre, lorsqu'il le reçoit à l'Elysée, il lui lance : "Je salue le nouveau Nicolas Sarkozy, qui ne sera plus jamais le collaborateur de qui que ce soit, y compris de moi-même, ce que je regrette." Pour faire bon poids, il ajoute : "J'ai d'autres projets pour toi." A sa sortie de l'Elysée, Sarkozy a renoncé à la présidence du RPR avec cette drôle de formule qui vise le président : "J'ai décidé de lui faire confiance." C'est évidemment tout le contraire, et la guerre est déclarée.

"JE VEUX ÊTRE LÀ OÙ ON NE M'ATTEND PAS"

Car Sarkozy n'a certainement pas dit son dernier mot. Il a perdu son crédit, son parti. Mais il a gagné en certitude. Désormais, son ambition présidentielle est claire. Et, pour y parvenir, il va utiliser sa traversée du désert à travailler d'arrache-pied. Oh, il n'a pas l'intention de raboter ses défauts. Il se contrefiche qu'on puisse le juger brutal et immodeste. Il veut être le meilleur. Le plus convaincant. Le plus audacieux. "Je veux être là où on ne m'attend pas", répète-t-il. En somme, se rendre à nouveau incontournable. Il voyage donc. Reçoit. Se construit une culture historique, lui qui n'a pas été un bon élève. Lit des essais, écrit un scénario de téléfilm avec Jean-Michel Gaillard sur le général Leclerc en Indochine. Nourrit ses contacts dans les médias, les syndicats, les entreprises. On le prend pour l'homme politique préféré des patrons, il s'entiche du Père Guy Gilbert, "le curé des loubards". Il visite des prisons, des hôpitaux, des casernes de pompiers, passe la nuit dans une brigade anticriminalité de la police nationale. Il convie des journalistes par dizaines dans son bureau à Neuilly, une tasse de thé à la main, son labrador jaune à ses pieds.



Sarkozy teste ses idées nouvelles aussi. Il évoque – déjà – la mise en place d'un service minimum dans les transports, la suppression du RMI en cas de refus d'un emploi ou d'une formation ou celle des allocations familiales pour les parents de jeunes délinquants récidivistes. Il a compris, lors de ces incessantes tournées en province, qu'une partie de l'électorat de droite s'exaspère encore et toujours de cette dissolution qui a ramené la gauche au pouvoir. Il entend les interrogations sur les atermoiements de Jacques Chirac et ses discours compassionnels. Il a saisi l'exaspération des catégories populaires face à l'insécurité. "Ce que la gauche anglaise met en pratique, il serait temps que la droite française ait le courage de le proposer", plaide-t-il. Il s'attelle à la rédaction d'un ouvrage, Libre (Edition Pocket), dans lequel il bâtit sa vision d'une droite décomplexée et postchiraquienne. Ce sera la matrice de toutes ses initiatives à venir.


Il n'oublie pas non plus les nécessités politiques de la reconquête. Il exècre les chiraquiens ? Il va prendre sur lui. Dans les dîners truffés de cadres du RPR, il fanfaronne : "Moi, en 1995, j'étais balladurien. Alors, chaque 7 mai, jour de la victoire de Chirac, je suis comme Padre Pio : les stigmates de mes mains se remettent à saigner…" A l'approche de la présidentielle de 2002, il ne doute pas que l'on fera appel à lui. Ils ne sont pas si nombreux, dans les rangs gaullistes, à avoir son talent rhétorique, sa connaissance de l'Etat, son expérience politique. De Chirac, il assure avec superbe : "Je ne serai ni son collaborateur ni son chaouch." Mais il a encore en tête la promesse présidentielle : "J'ai d'autres projets pour toi."

"CHIRAC A INTÉRÊT À AVOIR UN PROJET AMBITIEUX ET FORT"

Le chef de l'Etat n'a rien perdu de sa méfiance, pourtant. Il voudrait le maîtriser. Sarkozy cherche à se faire aimer. Le malentendu est continuel. Mais Sarkozy veut obtenir son retour en grâce, et, dans cette étrange campagne de 2002, c'est un apport dont Chirac ne peut se passer. "Nicolas" tient meeting sur meeting. Est omniprésent dans les médias, qui adorent le talent d'orateur de cet enfant de la télé. Il surjoue, en public, sa chiraco-compatibilité : "Dès lors que Jacques Chirac est entré en campagne, je me suis reconnu dans ses choix." En privé, c'est autre chose : "Chirac a intérêt à avoir un projet ambitieux et fort, cingle-t-il. Les idées sont l'airbag du candidat." On évoque devant lui la nouvelle proximité du président et de Jean-Pierre Raffarin ? Il ironise "Raffa quoi ?", et son abattage agace de plus en plus l'Elysée.

Le choc du 21 avril le cueille à froid. Lui qui avait cru comprendre les attentes de l'électorat, découvre qu'une grosse partie du "peuple de droite" est directement allée voter pour le Front national. Ce sera désormais son obsession : faire revenir vers la droite – vers lui – ces citoyens égarés. La gifle du 21 avril est aussi une humiliation personnelle : Chirac lui préfère Raffarin pour Matignon. Entre le président et Sarkozy, l'explication est brutale. Le président : "Tu seras numéro 2, à l'économie ou à l'intérieur, selon ton choix." Sarkozy : "Si vous ne me faites pas confiance en numéro 1, pourquoi me faire confiance en numéro 2 ?" Il choisit cependant l'intérieur. De là, il pourra avoir la main sur les services de renseignement, les préfets, l'organisation des élections. Et il pourra toujours faire de son revers un succès tactique : "Les Français ont compris que ce n'est pas le gouvernement qui crée les emplois. En revanche, c'est le gouvernement qui fait baisser l'insécurité."

Premier flic de France… C'est une image délicate à gérer. La sécurité est une des priorités du mandat présidentiel ? Bien. Mais il ne veut pas tout de suite s'enfermer dans une image trop autoritaire. La gauche est sortie sonnée du 21 avril. Il va donc s'adresser à elle, dans une tactique de "triangulation" théorisée par Tony Blair : prendre à l'adversaire quelques-uns de ses thèmes pour le paralyser. Le voilà donc qui prône l'abolition de la double peine et ferme le centre pour réfugiés de Sangatte, à la satisfaction de son maire communiste. "Je suis le Badinter de la droite", exulte-t-il. Il impose surtout son style, une initiative par jour : "Les Français ne pensent jamais que les hommes politiques en font trop. Cent pour cent pensent qu'ils n'en font pas assez." Et critique dès qu'il le peut ses collègues en avouant tout haut son but : "J'essaye de démoder beaucoup de gens. Pour l'avenir, c'est plus important que tout le reste."

CHIRAC, À RAFFARIN : "EN UN MOIS, IL T'AURA BOUFFÉ LA SOUPE SUR LA TÊTE"

Ce parcours n'est pourtant pas sans échec. Il endosse la responsabilité du désaveu des Corses sur le référendum qu'il a imaginé. Mais se tient miraculeusement à l'écart des difficultés dans lesquelles Jean-Pierre Raffarin s'abîme un peu plus chaque jour. Au fond, il a déjà d'autres plans, qu'il formule, comme toujours, sans fard : "Matignon, ce n'est pas mon truc. J'ai voulu y aller, je me suis préparé. Ce n'est plus dans mes calculs. On peut faire sans. Le ministère de l'intérieur m'a donné une dimension que je n'avais pas avant." Le 20 novembre 2003, sur France 2, à Alain Duhamel qui lui demande : "Pensez-vous à la présidentielle, le matin, en vous rasant?", il réplique en souriant : "Pas seulement en me rasant"…

S'il restait encore des naïfs, à droite, les voilà désormais prévenus. Tout lui servira, maintenant, à compléter son CV de présidentiable. Au ministère de l'économie, il applique sa méthode : un événement médiatique par jour. On le croyait "ultralibéral" ? Il se fait le chantre de l'interventionnisme d'Etat dans les dossiers les plus porteurs politiquement. Le "sauvetage" d'Alstom et celui de Sanofi lui permettent d'endosser les habits d'un colbertiste attaché à la politique industrielle française et méfiant vis-à-vis des "technocrates de Bruxelles". Son ancien mentor Edouard Balladur s'en étrangle, mais Sarkozy est déjà, depuis longtemps, ailleurs.

Maintenant qu'il est remis en selle, qu'il a reconquis sa popularité, il a décidé de reprendre le parti. L'UMP, créée par Jacques Chirac en 2002 pour fédérer la droite, vient de perdre son président, Alain Juppé, condamné dans l'affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris. La place est libre, mais l'Elysée se cabre encore. Jacques Chirac fait savoir qu'on ne peut être ministre et responsable d'un parti politique – ce qu'il a pourtant été lui-même –, au risque de provoquer une crise institutionnelle. "Je décide, il exécute", lâche le président le 14 juillet 2004. Encore faut-il susciter une candidature alternative à la présidence de l'UMP. Qui pourrait affronter Sarkozy ? Personne. Raffarin veut bien envisager une coprésidence. Mais, cette fois, Chirac, vaincu, lui demande de renoncer : "En un mois, il t'aura bouffé la soupe sur la tête." Le 28 novembre 2004, Sarkozy revient triomphalement à la tête de l'UMP. Edouard Balladur, qui le regarde s'émanciper, reconnaît : "Il a compris quelque chose que je ne savais pas : le contrôle du parti et du groupe est indispensable." Désormais, il a tous les outils en main.


"LE PARTI COMMENCE À RESSEMBLER À LA FRANCE, PAS À UNE SECTE"

Il sait ce qu'il veut faire du grand parti majoritaire : "Une droite moderne et une droite équilibrée, qui n'hésite pas à aller chercher des catégories qui n'ont jamais voté pour elle." De là, il peut tout voir venir, tout contrer. Chaque militant devient le garde du corps personnel du futur candidat. En quelques mois, le parti, géré jusqu'alors comme une machine de guerre au service de la chiraquie, se transforme en phalange sarkozyste. Au rez-de-chaussée de l'immeuble de la rue La Boétie, où l'UMP a établi son siège, un compteur égrène le nombre de nouveaux adhérents : 80 000 de plus en quelques mois. Sarkozy s'en félicite : "Avec 200 000 adhérents, le parti commence à ressembler à la France, pas à une secte." Impuissant, l'Elysée assiste au triomphe de l'ennemi, qui joue les innocents : "Je ne me laisserai pas entraîner dans un combat de rue avec Chirac. Je monterai sur le ring quand je le déciderai." Il ne reste plus qu'un adversaire à abattre.

"COMMENT INCARNER LA RUPTURE EN ÉTANT AU GOUVERNEMENT ?"

Au lendemain de l'échec du référendum sur la Constitution européenne, voulu par le chef de l'Etat, le 29 mai 2005, Chirac s'est séparé d'un Jean-Pierre Raffarin politiquement exsangue. Mais il a placé sur la trajectoire du patron de l'UMP un nouveau rival : Dominique de Villepin. Sarkozy déteste tout en lui : sa beauté altière, sa haute taille, sa proximité avec Chirac. Comment pourrait-il accepter d'être devancé par ce premier ministre qui n'a jamais été élu ? Puisqu'on ne veut pas de lui à Matignon, il veut revenir à l'intérieur. Sans abandonner ce parti qu'il a reconquis de haute lutte. Il a déjà prévenu ses amis : "Je ne quitterai pas la présidence de l'UMP. Je n'ai pas à négocier ce que Chirac ne m'a pas donné." Et Chirac, en effet, cède sur tout. Le parti et la Place Beauvau. Tant pis si les amis de "Nicolas" s'inquiètent : "Comment incarner la rupture en étant au gouvernement ?" Sarkozy balaie tout. Il a d'autres raisons : "Je serai mieux protégé place Beauvau par les 500 000 fonctionnaires de police que par les militants de l'UMP", lance-t-il comme un avertissement. Déjà, dans la coulisse, montent les effluves de ce qui deviendra l'affaire Clearstream.

Sarkozy doit faire face, aussi, à une autre difficulté. Bien plus personnelle. Le 22 mai 2005, une semaine avant le référendum, sa femme, Cécilia, est partie à New York rejoindre un autre homme, Richard Attias. Celui-là même qui, à la tête de Publicis Event, a mis en scène son intronisation à la tête de l'UMP. Sarkozy, puissant comme il ne l'a jamais été, est soudain publiquement trompé. Moqué. Affaibli. Cécilia l'a accompagné dans sa conquête depuis 1988. Elle l'a secondé, a embrassé son ambition, composé ses équipes, et la voilà qui le lâche si près du but ? Il se referme sur lui-même. Soudain impénétrable, même à ses amis. Il sait que, à Matignon, Villepin ironise chaque jour sur "cet homme qui voudrait séduire les Français et n'est même pas capable de garder sa femme". Alors que le chemin de l'Elysée se dégage, que Chirac a laissé passer la dernière opportunité de briguer un nouveau mandat, il se demande s'il doit reconquérir son épouse ou commencer une nouvelle vie.

"LE PRIX PERSONNEL QUE L'ON EST PRÊT À PAYER"

Désormais, il est devenu plus grave. Plus agressif aussi. Il jette de plus en plus souvent : "Ce qui fait la crédibilité d'une ambition, c'est le prix personnel qu'on est prêt à payer." Mais il est plus déterminé que jamais dans sa conquête de l'Elysée. Les chiraquiens peuvent bien croire encore qu'ils lui barreront la route, il ne s'embarrasse plus de circonvolutions pour dire ce qu'il pense du président : "Chirac est un vieil homme déconnecté. Il ne sait pas encore qu'il ne sera pas candidat, mais les Français, eux, le savent." Il a fait de Clearstream un immense scandale qui éclabousse désormais Villepin. Les manifestations contre le CPE font le reste. Son rival est éliminé. Sarkozy ne pense plus maintenant qu'à asseoir sa légitimité et à organiser sa campagne. Malgré les cris d'orfraie des chiraquiens, il a porté sa dernière botte secrète et fait modifier les statuts de l'UMP : ce sont les militants, les siens, qui à l'avenir désigneront le candidat à la présidentielle. Il a gardé sa brutalité, mais il distille désormais des confidences sur un mode existentiel : "C'est la politique qui a choisi d'habiter en moi. Je ne l'ai pas choisie."

Au printemps 2006, il a décidé de passer à la vitesse supérieure. Il peut bien être contesté sur son bilan en matière de sécurité, heurter une partie de la banlieue avec son vocabulaire guerrier, il poursuit méthodiquement sa marche vers le pouvoir. Il dépense une part pharamineuse du budget de l'UMP en sondages. Ces dernières années, il a diffusé largement, avec l'aide de quelques économistes et intellectuels de droite menés par Nicolas Baverez, l'idée que la France était entrée en déclin. Désormais, il va incarner la "rupture" et se poser comme celui qui remettra la France sur pied.

C'est une stratégie de longue haleine : "Pour qu'une idée passe dans le pays, elle doit infuser dans les esprits pendant près d'un an", dit-il. Il "infuse" donc toute la droite avec ce qui deviendra ses thèmes de campagne : le retour de la "valeur travail", la sécurité, l'immigration, la nécessité du changement. Au printemps, il a adjoint à son équipe de toujours le haut fonctionnaire Henri Guaino, qui commence de longues séances de maïeutique avec le futur candidat afin de l'accoucher des discours qu'il mettra en forme.

Candidat officiel, le 14 janvier, il se jette dans la reconquête des catégories populaires et des électeurs du FN, vrai réservoir de la droite à ses yeux. Ses amis craignent que sa droitisation effraie ? Il rétorque : "Si je ne fais pas tout ce que je fais, on aura Le Pen-Bové au second tour de la présidentielle." Il a regardé, à l'automne 2006, l'émergence de Ségolène Royal avec intérêt : "Nous sommes deux atypiques qui rassemblent." Un peu déstabilisé d'avoir à affronter une femme. Vite rassuré en regardant les erreurs tactiques de son adversaire socialiste. Le jour de l'investiture de la candidate, le 26 novembre à la Mutualité, il a reçu une note de ses troupes relatant l'événement. Une phrase y est soulignée en rouge : "Elle n'a salué que d'une phrase ses compétiteurs." Puisqu'elle prend le risque de ne pas réconcilier son camp, il va se faire pour sa part le chantre du rassemblement. Tous sont contraints de se rallier à lui : Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin, et même Dominique de Villepin.

C'est au soir du premier tour que Sarkozy a vraiment été certain de l'emporter. Il n'a pas relâché la tension. Rien changé à son rythme, désireux de montrer que sa victoire ne tient qu'à ses efforts. Ces derniers jours, il se retournait encore avec orgueil sur son histoire : "Si je suis élu président, je l'aurai bien mérité."

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