M. Chirac "soutient" la candidature de M. Sarkozy à la présidence de l'UMP

LE MONDE | 02.09.04 |

Au cours d'un entretien en tête-à-tête, mercredi 1er septembre, à l'Elysée, les deux hommes sont parvenus à un compromis au terme duquel le ministre de l'économie restera au gouvernement jusqu'à son élection à la tête du parti, à la fin novembre.

L'armistice est signé, mais les armes restent à portée de main. Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ont scellé en tête-à-tête, mercredi 1er septembre en fin d'après-midi, un compromis sur la présidence de l'UMP au terme duquel la candidature du ministre de l'économie a reçu l'aval officiel du président de la République ; le chef de l'Etat ne s'est pas non plus opposé à son maintien au gouvernement jusqu'à la date de son élection à la tête du parti, permettant ainsi à M. Sarkozy de défendre, comme il le réclamait, le projet de budget 2005 devant le Parlement (Le Monde du 2 septembre).

Entré dans le bureau présidentiel à 16 h 30, le ministre en est ressorti peu avant 18 heures, raccompagné par M. Chirac jusque dans le jardin, avant de sortir par la grille du coq, située à l'arrière du Palais de l'Elysée. Une heure plus tard, selon un dispositif arrêté en commun, c'est "l'entourage du président" qui annonçait aux agences de presse que l'entretien - initialement prévu la veille et reporté en raison de l'affaire des otages en Irak - avait eu lieu "dans une atmosphère chaleureuse", rapportant que M. Chirac avait "approuvé -la- décision" de M. Sarkozy et indiqué "qu'il lui apporterait son soutien". L'Elysée précisait enfin : "Nicolas Sarkozy assumera ses fonctions ministérielles jusqu'au jour de l'élection."

AUX DÉPENS DE M. RAFFARIN

Tranchant avec le climat tendu qui existait jusqu'alors entre le président et le ministre de l'économie, leurs entourages respectifs ont, aussitôt après la diffusion du communiqué, souligné la volonté commune de "pacifier" leurs relations. La veille, le principal conseiller de M. Sarkozy, le député européen Brice Hortefeux, s'était longuement entretenu avec le secrétaire général délégué de l'UMP, François Baroin, membre du premier cercle chiraquien, pour préparer les termes de l'arrangement et ébaucher les contours de la future direction du parti.

Après des mois de tensions, qui ont culminé le 14 juillet avec la charge du chef de l'Etat lors de son interview télévisée - "Je décide, il exécute" -, le compromis adopté mercredi illustre l'évolution d'un rapport de forces que M. Sarkozy s'est efforcé de susciter, voire de mettre en scène. Malgré ses revendications, le ministre d'Etat n'a pu s'affranchir de la règle d'incompatibilité édictée par M. Chirac entre la présidence de l'UMP et l'appartenance au gouvernement. Mais il a réussi à faire apparaître la stricte application de cette consigne - "Si tel ou tel ministre est élu...", avait dit le chef de l'Etat - comme une concession à son égard, face à l'activisme de ses adversaires qui voulaient précipiter son départ.

Jean-Pierre Raffarin lui-même avait ainsi demandé au chef de l'Etat d'exiger la démission de M. Sarkozy dès l'officialisation de sa candidature, arguant que son élection par les militants ne faisait aucun doute et que la prolongation de son double engagement affaiblirait l'autorité du gouvernement. L'accord scellé mercredi avec M. Chirac se sera réalisé à ses dépens.

Il offre, de fait, au ministre des finances la possibilité de s'impliquer jusqu'au bout dans l'élaboration du budget pour en revendiquer la paternité et quitter Bercy à l'automne avec, si l'on ose dire, un bilan consolidé. Entre-temps, M. Sarkozy aura prononcé un long discours sur la politique économique, jeudi 2 septembre à Juan-les-Pins (Alpes-Maritimes), soit le lendemain de la privatisation surprise de France Télécom. Puis il aura tenu, le 22 septembre, une nouvelle conférence de presse à grand spectacle, le jour de la présentation du budget au conseil des ministres. Viendra ensuite le débat parlementaire, durant lequel il a promis d'être "très présent", et qui pourrait se prolonger jusqu'au début décembre.

Dans cette perspective, l'élection du président de l'UMP, théoriquement fixée au 21 novembre, pourrait être repoussée au 28 novembre - date retenue à l'origine pour un éventuel second tour. A quelques jours près, la démission de M. Sarkozy pourrait ainsi coïncider avec l'adoption de "son" budget...

Au bilan économique s'ajoute le profit politique : outre qu'il peut se targuer d'avoir pris le contrôle d'un parti conçu par et pour ses principaux rivaux - Alain Juppé en tête -, M. Sarkozy voit finalement sa candidature annoncée et approuvée par celui-là même qui a tout fait pour l'empêcher. L'onction présidentielle, dont M. Sarkozy devrait se parer devant les militants de l'UMP, samedi 4 septembre à Avoriaz (Haute-Savoie) devant leur université d'été, trahit la prise de conscience de l'Elysée de l'impossibilité de lui opposer un concurrent sérieux.

Jusqu'à la mi-août, pourtant, M. Chirac assurait à ses fidèles que le ministre renoncerait au parti pour rester au gouvernement, invoquant le précédent de 1999, lorsqu'il avait su le convaincre de ne pas briguer la présidence du RPR - parce qu'il redoutait, déjà, qu'il ne le détourne de lui. En 2002, le chef de l'Etat lui avait fermé la porte de Matignon, puis encore au printemps dernier, après la déroute des élections régionales. Cette fois, c'est M. Chirac qui a dû reculer.

Hervé Gattegno

présidence UMP

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